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Séminaire « Écritures postcoloniales : éthique et représentation » - jeudi 28 novembre 2024 - 14h-17h, salle D8-006 (site Buisson)

Le séminaire aura lieu le jeudi 28 novembre de 14h à 17h en salle D8-006 (site Buisson).

programme

 

Vanessa Guignery (ENS de Lyon) : « Ni héros, ni victimes : portraits de travailleurs manuels dans la littérature indienne contemporaine »

 

Selon Lisa Lau, la représentation des populations défavorisées dans la littérature indienne contemporaine de langue anglaise prend deux formes principales. D’un côté, des ouvrages de fiction ou non-fiction appellent à l’empathie du lectorat en mettant l’accent sur la dimension « abjecte » des modes de vie et de travail de groupes démunis au risque « d’exoticiser, d’essentialiser et de commodifier la pauvreté ». De l’autre, des textes proposent des récits d’émancipation où des individus de classe sociale basse parviennent à s’extirper de leur condition pour atteindre une réussite matérielle. Certains ouvrages s’éloignent toutefois de ces deux pôles et réfutent une représentation binaire de personnages défavorisés en tant que victimes ou héros pour proposer des portraits plus complexes et nuancés. C’est le cas du reportage littéraire d’Aman Sethi, A Free Man (2011), qui suit un groupe de travailleurs manuels sans domicile fixe à Old Delhi, et du roman de Mridula Koshy, Bicycle Dreaming (2016), qui dépeint le quotidien d’enfants de ramasseurs de déchets dans le sud de Delhi. Les deux livres mettent en scène des personnes ou personnages qui peuvent être considérés comme les victimes d’un système social et économique qui se nourrit de la vulnérabilité des travailleurs manuels dans le contexte néo-libéral indien. Je montrerai toutefois que le roman de Koshy et le reportage de Sethi brouillent les frontières entre les statuts de victime et d’agent ou héros, et refusent de faire de leurs ouvrages des récits d’abjection ou d’émancipation. Je me demanderai en outre si l’empathie est la réponse appropriée à de tels livres et j’explorerai la manière dont le concept de vulnérabilité est ré-examiné et redistribué dans ces ouvrages.

 

Vanessa Guignery est Professeur de littérature britannique contemporaine et de littératures postcoloniales à l’École Normale Supérieure de Lyon. Elle a publié des monographies sur Julian Barnes, Jonathan Coe et Ben Okri. Ses recherches portent sur des questions relatives à la poétique de la voix et du silence, aux transformations génériques, à l’expérimentation formelle et à la critique génétique.

 

Fiona McCann (Sorbonne Université) : « Les limites de l’interculturalité : enjeux éthiques et esthétiques dans Girl (2019) d’Edna O’Brien »

 

Cette présentation explorera les questions éthiques à l’œuvre dans le dernier roman d’Edna O’Brien, Girl (2019). Contrairement aux 16 autres romans d’O’Brien, qui se déroulent pratiquement tous en Irlande ou, occasionnellement, en Grande-Bretagne, Girl se déroule au Nigéria et raconte les expériences de l’une des écolières enlevées par Boko Haram en 2014. Écrit à la première personne, Girl soulève des questions éthiques difficiles sur l’interculturalité, l’empathie et la notion de care. Je montrerai que ce récit manifestement bien intentionné, qui interroge les limites de la représentation de la violence, reproduit néanmoins à son tour une forme de violence épistémique. En effet, malgré son souhait évident de favoriser l’empathie, le roman d’O’Brien dissimule les inégalités structurelles à l’échelle locale, nationale et mondiale, et se complaît dans une forme dépolitisée d’interculturalité qui empêche une critique solide de la colonialité.

 

Fiona McCann est Professeur de littérature irlandaise et britannique des XXe et XXIe siècles à Sorbonne Université. Elle a publié des ouvrages, articles et chapitres sur les littératures mondiales contemporaines, avec un intérêt particulier pour les littératures carcérales et, plus généralement, pour les écrivains irlandais et les auteurs sud-africains et zimbabwéens diasporiques vivant en Grande-Bretagne. Ses projets de recherche actuels comprennent un ouvrage sur la question du « care » dans la fiction irlandaise contemporaine. 

 

Corentin Jégou (Université de Nantes) : « Quand il faut choisir une langue : les poètes de la Caraïbe anglophone »
 

Yasemin Yildiz appelle « paradigme monolingue » le modèle qui assigne à une entité territoriale une langue commune et unique, valable pour tous ses membres. Ce modèle, dont on peut retracer l’origine au romantisme allemand d’une part, et à la Révolution française de l’autre, accompagne l’avènement de l’Etat-nation moderne, dont il se veut la traduction sur le plan linguistique. Or ce paradigme ne rend pas compte de la diversité des situations qui résistent au monolinguisme à travers le monde. L’archipel caraïbe, enjeu de rivalités séculaires entre les empires coloniaux d’Europe, nous invite à penser la coexistence de langues et de dialectes, dont la distribution témoigne d’une histoire placée tout à la fois sous le signe du conflit et de l’enchevêtrement. Les phénomènes de créolisation et les situations de diglossie qui en résultent mettent en lumière les enjeux qui président au choix d’une langue. A ce jour, patwa, kreyol, et autres dialectes plus ou moins standardisés coexistent avec les dialectes officiels que sont l’anglais et le français. Dans cette communication, je propose d’étudier la manière dont les poètes de la Caraïbe anglophone mettent en scène le choix d’une langue comme outil poétique. Choisir une langue signifie-t-il renoncer à une autre, ou à toutes les autres ? Ce choix vaut-il allégeance sociale ou politique à ceux qui la parlent ? Le choix d’une langue, même prétendument vernaculaire, n’est-il pas aussi invention d’une langue neuve, propre à l’œuvre poétique ? Et qu’advient-il des formes démotiques lorsqu’elles visent un lectorat parfois majoritairement métropolitain ? De Claude McKay et Louise Bennett à Derek Walcott et Kamau Brathwaite, et jusqu’à des poètes plus récents, je tenterai de montrer comment ces tensions s’inscrivent dans une réflexion plus vaste sur la place de l’écrivain aux prises avec la mondialisation et ses avatars linguistiques dans les zones dites « semi-périphériques ».

 

Corentin Jégou est maître de conférences en littératures anglophones postcoloniales à Nantes Université. Il a publié des articles sur Derek Walcott et sur James Joyce. Ses recherches actuelles portent sur les manifestations littéraires de la mondialisation dans les espaces dits semi-périphériques, les processus de créolisation, et les écritures utopiques.